LE COLLIER DE KORE
Briques de construction et filets de pêche roulés par la mer, ramassés sur la plage, corde en fibre de bananier fait main
Déchets travaillés par la mer, fibre de bananier plongée dans la rivière pour réaliser le tressage
1120 x 7 x 4 cm
2024
En résidence artistique à La Chapelle Saint Antoine de Naxos dans les Cyclades, je découvre l'existence des Kouroi, ces géants de pierre laissés sur l'île depuis l'époque archaïque de la sculpture grecque. Taillés brièvement sur place dans des blocs de pierre, ils étaient ensuite transportés par bateau vers Athènes pour y être affinés et devenir Kouros ou Korè. Le terme Kouros désigne une statue de jeune homme lorsque Korè désigne celle d’une jeune femme. Korè fait également référence à Perséphone, déesse du monde souterrain, associée au retour de la végétation au printemps.
Régulièrement, je me rends sur une plage du versant nord. Elle n’est pas touristique car le vent y souffle fort, apportant avec lui une grande quantité de déchets marins. Parmi ces débris, je trouve des cordes de bateaux, des filets de pêche enchevêtrés et des briques de construction polies par la mer. Je ramasse ces matériaux pour nettoyer le lieu et composer un collier immense, une offrande symbolique aux géant.es de pierre que j’imagine veiller et sommeiller sur l’île. La corde qui relie ces perles brutes est fabriquée à partir de fibres de bananier, que je plonge dans l’eau douce d’une rivière présente en bas de mon atelier avant de les torsader.
Cette œuvre, dont les matériaux ont été créés par le roulis des vagues et la négligence humaine, est une collaboration avec les forces naturelles. Sa création prolonge le travail déjà amorcé par les marées, le vent, le sel, le temps et les mains humaines. Ce collier de Korè empreint de la notion de cycle, prend forme au printemps, saison de mon arrivée sur l’île. Dédiée à Korè et au pouvoir créateur de l’eau, il évoque des mondes invisibles — le passé, le monde aquatique et souterrain, l’imaginaire — en écho à la figure de Perséphone. Mes gestes : ramasser, nettoyer, assembler, torsader, reflètent cette profonde harmonie que je recherche entre l’art, la nature et le temps.